DANIEL GUSTAV CRAMER

DANIEL GUSTAV CRAMER

Daniel Gustav Cramer, A-Z, 2016. 26 livres, étagère métal, 110 x 30 x 80 cm
un répertoire des villages et villes abandonnés aux États-Unis, classés par ordre alphabétique
Courtesy de l’artiste et Vera Cortes Gallery

ENTRETIEN / Daniel Gustav Cramer

par Alex Chevalier dans le cadre de « Entretiens sur l’édition »

C’est au travers de récits que Daniel Gustav Cramer construit son œuvre. En quêtes de formes énigmatiques et de sobriété, l’artiste emprunte aux pratiques minimalistes et conceptuelles une certaine radicalité esthétique et spatiale. Entre sculptures, photographies, livres et textes, l’artiste crée une narration abstraite dans laquelle il plonge le-la lecteur-trice. Cet entretien, mené entre novembre et décembre 2021, est l’occasion de revenir sur le parcours de l’artiste, son approche éditoriale et son rapport à l’espace.

Votre travail se développe au travers de multiples formes, principalement des photographies, mais aussi des sculptures ou du texte. La dimension narrative y est importante et ce que l’on peut surtout remarquer au travers des éditions que vous réalisez. Travailler avec ce médium est très spécifique, aussi, comment l’édition est-elle arrivée dans votre travail ?

Enfant, ma mère avait pour habitude de nous lire des histoires avec mon frère. Nous étions lovés contre elle, un sur sa droite, un sur sa gauche. De cette façon, j’ai consommé des centaines, même peut-être des milliers de livres alors que je m’endormais. Plus tard, j’ai plongé dans l’univers de la bande dessinée – SpirouLucky LukeBoneMortadel et FilémonMaus, par Spiegelman. Des lectures qui m’ont progressivement amenées vers des ouvrages plus abstraits, comme ceux de Neil Gaiman, Dave McKean et Alejandro Jodorowky. À cette époque, je voulais être auteur de bande dessinée. L’école terminée, j’ai dût faire une année d’aide sociale, j’aidais les personnes âgées à Düsseldorf. Régulièrement, je m’asseyais avec elles, alors qu’elles me racontaient leurs histoires, la Seconde Guerre Mondiale, leur enfance, etc. et moi, pendant ce temps, je les dessinais. J’ai ensuite commencé à étudier dans une université connue pour ses cours de dessins. Durant la première année de mes études, je me suis concentré sur la photographie et l’édition. Durant ces années à Münster, j’ai découvert différentes façons de pouvoir exprimer ma passion pour la narration, ou encore, comment suggérer une narration, sans véritablement raconter une histoire…

La narration est en effet une partie importante de votre travail, que ce soit au travers de votre travail sur les images ou le texte. ll y a quelque chose d’intéressant dans votre travail, outre son contenu j’entends, c’est son aspect formel ; il y a quelque chose de très systématique dans les graphismes que vous faites. Au milieu des années 1960, Marshall McLuhan écrit « le médium est le message », ce qui, en certain sens, me rappel votre travail. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre travail éditorial ? Est-ce que le graphisme participe à l’approche du contenu de votre travail ? 

Vous avez raison. La placement des images et du texte, le contenu de la publication, tout participe à l’expérience du travail. J’imagine que le processus de recherche d’une forme pour donner vie à une histoire, définir un travail, c’est tout ça, les détails sur lesquels on met l’accent, ou que l’on oublie, la façon dont une histoire est racontée. Cela me demande parfois des semaines pour essayer différentes mises en pages. Je peux sentir comment l’approche émotionnelle d’une histoire change selon son graphisme. Durant le travail, j’imprime et réalise plusieurs maquettes, parfois cinquante ou plus pour une publication de 8 pages, et je feuillette, page après page, encore et encore; faire l’expérience de la taille, de la position des images des proportions du texte. Et la police, quelque soit sont utilisation, existe dans un espace fait de ses propres références. La forme des lettres définie son propre langage. Un texte écrit dans une police classique, comme Courier par exemple, évoque des images des premiers scripts hollywoodiens, Hitchcock, Welles – et cette image visuelle colore l’histoire racontée tout en entrant en conversation avec. 

Lorsque l’on raconte une histoire au restaurant – on peut s’asseoir et la raconter avec une forme de retenue, de ce fait l’attention de l’audience augmente, remplie de désir à l’écoute de chaque mot – ou sinon, on peut se tenir debout, lever les bras, bouger, de manière à ce que l’histoire devienne plus animée. Lorsqu’il est question de livres et d’œuvres d’art, je me sens plus profondément ému par les histoires qui nous sont suggérées, plutôt que racontées. Dans Nuées d’oiseaux blancs, de Yasunari Kawabata par exemple; un drame se déroule sans qu’il ne soit directement nommé. L’histoire existe dans le livre, mais semble à peine abordée par l’auteur, elle se tient entre les lignes et les pages, rendue palpable pour le-la lecteur-trice, distante et intime à la fois. Une édition d’artiste peut fonctionner de la même façon. C’est un objet physique qui porte une histoire, ouvert et expressif, ou suggestif et obscurci.

Lorsque je travaille et réalise une œuvre, je l’approche quasi systématiquement en tant que sculpture. Je ne me vois pas comme un conteur, disons plutôt que j’utilise un matériau spécifique, l’histoire, pour faire mon travail. Une histoire a un début et une fin, vous pouvez omettre certaines choses et en raconter d’autres plus en détails. Voyez la chose comme une grosse pierre, un objet en soi, dans lequel on peut ciseler ou laisser tel quel.

Daniel Gustav Cramer, Seventeen Works, Kunstverein Nürnberg, 2015 vue d'installation photographie : Annette Kradisch
Daniel Gustav Cramer, Seventeen Works, Kunstverein Nürnberg, 2015 vue d’installation photographie : Annette Kradisch

J’aime beaucoup cette idée, approcher l’édition comme un travail sculptural, ce qui nous amène à une question que j’aurais aimé vous poser. Non seulement vous publiez des éditions, mais vous les exposez également. Généralement, nous sommes plutôt habitués à voir les éditions d’artistes exposées dans des vitrines, du fait de la nature de ces travaux (qui sont souvent fragiles, rares, etc.). Au contraire, vous réalisez des piles, parfois des bibliothèques, invitant le public à manipuler et expérimenter votre travail, ce qui, pour moi, est un peu plus « démocratique ». Que signifie pour vous le fait d’exposer vos publications ?

Et bien, je pense que je dois donner quelques explications. Parfois, j’expose des livres au sein d’installations. Les livres, sur socles, étagères ou petites tables, sont des œuvres contribuant à la lecture de l’exposition – le public est invité à s’en saisir et à les regarder comme des objets. Ces livres sont produits en peu d’exemplaires, 3 ou 5 – en plus des exemplaires d’exposition. Les livres change l’approche de l’exposition, comme une sorte de zoom. J’ai souvent montré des textes directement sur le sol. Il s’agit de textes courts, imprimés sur des feuilles A4 et empilés. Les visiteur-euse-s peuvent prendre les textes, les lires dans l’espace d’exposition ou les ramener chez eux-elles. Il y a plusieurs choses qui arrivent à ces piles lorsqu’elles sont installées. D’une part, elles créent une sorte de paysage, elles se connectent à l’espace dans lequel elles sont présentées et un nouvel horizon. Il y a aussi le fait que les visiteur-euse-s puissent repartir chez eux-elles avec. Ces textes sont des œuvres qui, en un sens, sont des dons, mais le don, si on le regarde ainsi, c’est l’espace créé avec les mots. Le papier que j’utilise est à base de bois, il est éphémère ; il jaunit avec le temps, il se détériore, comme une histoire disparaît lentement de notre mémoire.

Les corps sculpturaux créés par ces textes ne sont pas directement visibles dans l’espace, mais font partie de l’expérience et du récit qui se déroulent dans celui-ci. Quand je marche dans les allées d’un supermarché, que je fais la queue à la caisse, je suis pris par mes propres pensées, quoi cuisiner pour mon fils, la santé de mes parents, un travail en cours, la situation d’un-e ami-e. Je me rappelle ensuite que chaque client autour de moi vit une expérience similaire. C’est le tissu de la vie, la façon dont nous vivons et expérimentons le fait d’être ensemble dans un endroit donnée. D’une certaine manière, les textes font quelque chose de très similaire. Il y a des œuvres physiques et visuelles, des sculptures, des photographies dans l’espace – et une sorte d’univers parallèle qui s’entrelacent en même temps. Les portes d’entrée de ces différents univers se trouvent dans les piles. Parfois, j’ai ajouté une publication dans l’exposition, comme par exemple à Grey Noise, à Dubaï, ou encore à La Kunsthalle Mulhouse. Dans ces deux cas, l’une des œuvres de l’exposition était une publication qui n’était pas à l’intérieur de l’espace d’exposition, mais plutôt un corps céleste gravitant autour de l’exposition.

Daniel Gustav Cramer, Sand, 2021 étagère, table, 14 livres 103 x 91 x 32,5 cm un répertoire de tous les échantillons de sables collectés par Daniel Helber, incluant des échantillons de chaque pays. photographie : Bruno Lopes
Daniel Gustav Cramer, Sand, 2021 étagère, table, 14 livres 103 x 91 x 32,5 cm un répertoire de tous les échantillons de sables collectés par Daniel Helber, incluant des échantillons de chaque pays. photographie : Bruno Lopes

Aussi, comment définiriez-vous la place de l’édition au sein de votre travail ?

Quand je pense à une chanson – un musicien peut se produire en live, faire un disque, ou avoir la composition et les paroles écrites sur papier. Lorsque l’on aborde une pièce musicale d’une manière ou d’une autre, la chanson, le travail, reste le même. Certains attributs peuvent se démarquer dans différentes situations, mais l’espace créé à travers cette pièce lui, reste intact. Personne ne l’a mieux décrit que David Berman dans Snow is falling in Manhattan: « Les chansons construisent des petites pièces dans le temps / et logées dans le design de la chanson / sont le fantôme que l’hôte a laissé derrière / pour saluer et balayer l’invité à l’intérieur / attiser le feu et chanter ses lignes. » ( “Songs build little rooms in time / and housed within the song’s design / is the ghost the host has left behind / to greet and sweep the guest inside / stoke the fire and sing his liens.”) J’essaie d’en faire de même, créer des pièces, inviter des ami-e-s à rentrer dedans et partager un moment de joie ou de réflexion. Il n’y a pas de pièces plus importantes que d’autres, et pour poursuivre cette analogie, toutes les pièces réunies créent une maison, un humble château, dans lequel tous ces espaces se connectent et créent une grand et singulière demeure. Les pièces se connectent par l’attitude et le soin avec lesquels elles ont été traitées. Les publications font partie intégrante de ma pratique, tout comme les sculptures, les films ou les photographies.

Daniel Gustav Cramer, Tales 105 (Itadori River, Seki, Gifu-ken, Japan, July 2019), 2020 Publication, 36 pages 20 x 14 cm
Daniel Gustav Cramer, Tales 105 (Itadori River, Seki, Gifu-ken, Japan, July 2019), 2020 Publication, 36 pages 20 x 14 cm
Daniel Gustav Cramer,Tales 63 (Chräzerenwald, Appenzell, Switzerland, November 2013), 2014 6 impressions C-prints encadrées 25 x 20 cm chaque
Daniel Gustav Cramer,Tales 63 (Chräzerenwald, Appenzell, Switzerland, November 2013), 2014 6 impressions C-prints encadrées 25 x 20 cm chaque

Il est également possible de retrouver des liens entre vos différentes pratiques et la place que prend l’édition dans votre travail dans vos photographies par exemple, comme dans la série Tales où les marges sont importantes et dont la mise en page pourrait nous faire penser qu’il s’agit de pages directement extraites de publications. Outre les éditions que vous produisez pour vos installations et expositions, il y a toute une part de ce travail qui existe, comme vous le disiez pus tôt, en dehors de l’exposition, du fait de collaborations avec différent-e-s éditeur-trice-s. Comment approchez-vous ces travaux ? Et comment se font ces collaborations ?

C’est différent à chaque fois. Dans la plupart des cas, un éditeur me contacte, pour une raison ou une autre, afin de me proposer de travailler ensemble. J’ai des étagères, des carnets, des dossiers remplis de projets non-réalisés. J’en propose alors un ou plusieurs. Après s’être mis d’accord sur un travail, je me plonge dans les détails – les derniers réglages – la sélection d’images, la police de caractères, l’écriture du texte. Lorsque tout est réglé, nous imprimons et publions le livre.

Daniel Gustav Cramer,The Infinite Library, Fabra i Coats, Barcelona, 2020 vue d'installation photographie : Eva Carasol
Daniel Gustav Cramer,The Infinite Library, Fabra i Coats, Barcelona, 2020 vue d’installation photographie : Eva Carasol

Depuis quelques années maintenant, vous collaborez avec Haris Epaminonda sur un projet en cours intitulé The Infinite Library. Pourriez-vous nous en dire plus à propos de ce projet ?

The Infinite Library a commenté en 2008. Quelques années après la mort de mon grand-père, il m’a été proposé de prendre tous les livres qui me plaisaient dans sa bibliothèque. J’y ai trouvé de très beaux ouvrages illustrés sur différents sujets : Le Balaton, des images d’Islande, des images de chasse en Afrique. De retour à l’atelier, je vivais avec Haris à cette époque, nous regardions ces livres, les ouvrions et les placions les uns à côté des autres, et c’est comme ça que l’idée est arrivée de prendre chaque ouvrages et de les déconstruire afin de n’en garder que des amas de pages libres, puis de fusionner, deux ou plusieurs livres ensemble, comme ça, comme une expérience. Le résultat était assez improbable et incroyable, nous avons été véritablement ému-e-s par le résultat. Nous avons réalisé qu’en combinant un livre de pierres précieuses avec un autre de maison traditionnelles allemandes des années 1950, qu’en le considérant comme un seul volume, les maisons devenaient des objets et les pierres précieuses gagnaient à êtres vues comme des architectures. C’est comme cela que s’est créé le premier livre de ce projet, que nous avons ensuite continué. Tout au long de ce travail, il a été question de poursuivre une forme de conversation très intime entre les matériaux trouvés par l’un et l’autre – Haris utilisant déjà des livres trouvés dans son travail, alors que moi, je travaille régulièrement autour de formes publiées et les appréhende comme des espaces abstraits. Nous avons maintenant une centaine de livres. Et après plus de dix années de travail, un livre, publié par New Documents à la mi décembre 2021, va documenter les cinquante premiers livres de ce projet.

Comme nous le disions plus tôt, l’édition occupe une place importante dans votre pratique, vous multipliez les formats de publication (livres, piles, chemises contenant des images, des textes, etc.), mais aussi par ce que vous travaillez avec ce medium d’une manière unique, je me demandais comme vous vous placez dans le paysage éditorial contemporain ? Aussi, j’aurais été curieux de savoir ce que vous pensiez de la scène actuelle ?

J’ai étudié l’impression au Royal College de Londres. Je me suis tout de suite senti aspiré par par le pouvoir de l’image, la façon dont elle nous manipule, comme les publicités pour les cigarettes par exemple. À cette époque, les Américains avaient perdus la guerre contre l’Iraq. En effet, il y avait eu une fuite d’images montrant des soldats Américains posant avec des prisonniers Iraquiens – une photo peut être une telle arme. J’ai lu quelque part que 85% des images présentes sur internet étaient de nature pornographique – incroyable. Au Royal College, j’ai étudié ces différentes questions, notamment par l’intermédiaire de Jonathan Miles et John Stezaker, qui étaient tous les deux enseignants dans le département des sciences humaines. À ce moment-là, je me sentais mal à l’aise avec l’idée de me définir au travers d’une pratique, gravure, sérigraphie, ou photographie. J’aime, j’ai une passion infinie pour les livres, les livrets, les textes, les publications en tous genres – un métavers sur lequel la race humaine est construite. Du coup, lorsque l’on m’identifie à un groupe d’éditeur-trice-s, de libraires, ou autres penseurs de livres… J’ai tendance à me retirer dans le silence. Je n’ai jamais présenté mon travail dans des foires d’éditions – néanmoins, j’y vais pour visiter. Il y a des artistes qui publient des choses incroyables. J’essaie de collectionner tout ce que je trouve de Yutaka Matsuzawa, Douglas Huebler, stanley brouwn, Ian Wilson, Yoshihiku Ueda, mais aussi de Jason Dodge, Alejandro Cesarco, Florence Jung, Gareth Brookes, Jochen Lempert, Yann Sérandour, Nicolas Giraud, Mora Davey, Thomas Geiger, Eva Barto, Stefan Sulzer, Roni Horn et bien d’autres encore… mais dans un sens, ce que j’aime dans ces travaux ne tient pas du fait que ce sont des publications. Ils-elles ont utilisé ce médium à moment décisif, pour une raison, pour dire quelque chose qui leur était important qui, un jour, aurait très bien pu prendre une autre forme. En regardant depuis l’extérieur cette scène, je trouve magnifique cette relation au monde au travers du livre, des pages, d’un objet physique, qui même aujourd’hui, prend son sens.

Daniel Gustav Cramer,The Infinite Library, Book #79 (Patrick Lichfield: Most Beautiful Women Patrick Lichfield. Elm Tree Books / Hamish Hamilton, London, 1983), 2020 44 pages 20 x 27 cm photographie : Eva Carasol
Daniel Gustav Cramer,The Infinite Library, Book #79 (Patrick Lichfield: Most Beautiful Women Patrick Lichfield. Elm Tree Books / Hamish Hamilton, London, 1983), 2020 44 pages 20 x 27 cm photographie : Eva Carasol

« Publier » vient du mot latin publicare, rendre public, ce qui en un sens pourrait s’apparenter au fait d’exposer. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, les artistes avaient recourt au livre (principalement) et y voyait quelque chose de plus démocratique dans l’approche du public. J’en ai parlé un peu plus haut, mais j’aurais souhaité revenir sur cette question et notamment si c’était là une chose que vous preniez en considération ?

Au cours de ces dernières années, il y a eu des changements fondamentaux dans la façon dont nous vivons et dont nous accédons à l’art. Le plus important, internet a réalisé à grande échelle ce que les artistes ont fait de façon plus humble au milieu du XIXème siècle en réalisant des livres et autres publications à grand tirage. Youtube, Spotify, Google… J’ai l’impression qu’aujourd’hui, dans un monde dans lequel des millions « d’utilisateurs » sont potentiellement, instantanément connecté-e-s, un livret, dans un tirage de 50 ou 100 exemplaires, voire-même 500 exemplaires, peut se vendre en quelques mois, ou quelques années, ce qui en fait, malgré tout, un travail rare et hors de portée. Peut-être qu’une publication possède , du fait de son existence ténue, une subtilité qui la rend encore plus rare, à l’opposé d’un travail accroché sur un mur, dans un musée, qui nécessite de l’espace, et qui demande qu’on le regarde et considère comme une œuvre d’art. Les publications, comme les histoires, existent et se racontent de l’un à l’autre, au risque parfois d’être oubliées, mais cela fait partie de leurs nature.

Après tout, le moment crucial n’est il pas la confrontation avec une œuvre d’art, que ce soit sous la forme d’un évènement en direct, d’un concert, d’un roman, lu du début à la fin – une sculpture vue ne serait-ce que sur un fichier PDF, ou sur internet, ou… une publication. Toutes les œuvres d’art nous confrontent à nous-même, au temps fragile et limité que nous passons ensemble – les œuvres d’art nous permettent de voir tout cela à travers les yeux de quelqu’un d’autre, de voir les pulsions et les luttes auxquelles une autre personne a fait face et dont elle a trouvé des réponses dans un moment donné, passé, et donc, momentanément, nous sommes en capacité de s’y identifier – en retour de quoi nous nous remettons en questions et parfois, parvenons à nous ouvrir au caractère complexe et simple à la fois de tout cela.

Daniel Gustav Cramer,Thirteen Works, La Kunsthalle Mulhouse, 2013 vue d'installation photographie : Dom Poirier
Daniel Gustav Cramer,Thirteen Works, La Kunsthalle Mulhouse, 2013 vue d’installation photographie : Dom Poirier
Daniel Gustav Cramer,Two Works, Musée d'Aurillac, France, 2020 vue d'installation photographie : Aurélien Mole
Daniel Gustav Cramer,Two Works, Musée d’Aurillac, France, 2020 vue d’installation photographie : Aurélien Mole
Daniel Gustav Cramer,Wycliffe Well, Northern Territory, Australia, July 2009, 2009 pile de papier, texte 29,7 x 21 x 4 cm
Daniel Gustav Cramer,Wycliffe Well, Northern Territory, Australia, July 2009, 2009 pile de papier, texte 29,7 x 21 x 4 cm