L’ARENGARIO STUDIO BIBLIOGRAFICO

L’ARENGARIO STUDIO BIBLIOGRAFICO

ENTRETIEN / L’Arengario Studio Bibliografico librairie, un espace d’exposition et une collection située à Brescia, Italie

par Alex Chevalier dans le cadre de « Entretiens sur l’édition »

L’Arengario Studio Bibliografico est une librairie, un espace d’exposition et une collection située à Brescia, Italie. Créée au début des années 1980 par deux frères, Bruno et Paolo Tonini, ils se sont rapidement démarqués du fait du fonds qu’ils ont collecté et créé au fil des ans. Spécialisé en publications rares et écoulés, on retrouve dans leur fonds de nombreuses éditions conceptuelles, Fluxus ou encore minimalistes, mais également de nombreux documents inédits, parmi lesquels des ephemera et des multiples. Entre temps, l’aventure a prospéré et l’équipe s’est agrandie. Entretien réalisé avec Valentino Tonini, fils de Bruno Tonini en septembre 2021 ; l’occasion de revenir sur près de quarante années d’activités, et sur le futur de l’Arengario Studio Bibliografico.

Créé au début des années 1980 par Bruno et Paolo Tonini, L’Arengario Studio Bibliografico s’est spécialisé dans les publications rares, écoulées et autres documents. Valentino, ma première question porte sur le catalogue, le fonds que vous avez créé au fil des ans ; celui-ci se concentre-t-il uniquement sur les mouvements d’avant-gardes, ou travaillez-vous également à partir d’un fonds plus contemporain ?

Valentino Tonini : Nous avons commencé à nous concentrer sur les avant-gardes historiques, en regroupant, au fil des ans, l’un des fonds Futuriste les plus important qui soit aujourd’hui par exemple. Mais tout change, tout évolue, et nous aussi. Il y a une quinzaine d’années, nous avons commencé à nous concentrer sur les nouvelles avant-gardes, comme celles de l’art conceptuel, de Fluxus, ou encore de l’art minimal, ce qui reste à ce jour le fonds principal de notre archive. Travailler aujourd’hui avec des pratiques éditoriales contemporaines reste un pari dangereux pour nous, et nous tenons à rester attentifs, tant nous recherchons des documents et des publications historicisés. Le 4 septembre dernier nous avons réalisé un catalogue de vente dédié aux cartons d’invitation publiés entre 1990 et 2021, ce qui reste un essai pour nous.

En ce moment, à titre personnel, je travaille et cherche des éditions d’artistes contemporains pour notre collection, je regarde et étudie les productions des jeunes maisons d’édition.

Voilà qui est intéressant ! Depuis quelques années, nous voyons de plus en plus d’articles de presse parlant d’une certaine « renaissance » de l’édition d’artiste, ou d’un regain d’intérêt pour ces pratiques. Je serais curieux de savoir ce que tu en penses ? Mais aussi, quel est ton regard sur ces nouvelles pratiques éditoriales ?

Disons que je commence tout juste Tonini Editore, j’imagine que ça en dit beaucoup sur ce que j’en pense. Non, blague à part, nous parlons d’un champ qui peut être exploré, encore et encore, tant pour les possibilités qu’offre le « livre » comme médium, que pour les nombreuses façons de l’appréhender, mais nous devons garder en tête que tout cela peut aussi nous amener à une forme de « saturation » de publications.

Depuis quelques années toi et ton frère avez rejoint l’aventure familiale, comment cela fonctionne ? Est-ce que chacun d’entre vous à un champ de recherche spécifique et s’y tient ou est-ce plus ouvert ?

J’ai rejoint le groupe il y a quelques années maintenant, mon frère, qui a 17 ans au moment où nous parlons, n’a pas officiellement intégré le Studio, mais il lui arrive de venir nous aider, surtout lorsque nous sommes en foires, en Europe. Comme je le disais plus tôt, mes intérêts sont davantage liés aux pratiques contemporaines et aux éditions faites aujourd’hui, mais bien évidemment, je travaille à partir du fonds que nous avons constitué, notamment pour les catalogues de ventes et autres projets que nous menons en parallèle.

Vue de l'exposition Hanne Darboven 1968-1980, L'Arengario, 2021
Vue de l’exposition Hanne Darboven 1968-1980, L’Arengario, 2021
Vue de l'exposition Hanne Darboven 1968-1980, L'Arengario, 2021
Vue de l’exposition Hanne Darboven 1968-1980, L’Arengario, 2021
Vue de l'exposition Hanne Darboven 1968-1980, L'Arengario, 2021
Vue de l’exposition Hanne Darboven 1968-1980, L’Arengario, 2021

Travaillant en tant que librairie, une de vos missions principales est de trouver et de vendre des livres. Durant une courte période, vous avez collaborés avec 17.2 Art Gallery, laquelle est spécialisée dans le livre d’artiste, les posters et autres ephemera. Maintenant, vous organisez des expositions dans votre espace, et il vous arrive même de publier des catalogues de ces dernières. Selon toi, organiser des expositions fait-il partie de votre travail ? Il y a quelque chose de l’ordre du challenge lorsque l’on expose des livres d’artistes du fait de leur nature, aussi, comment approchez-vous ces questions ?

Nous exposions des livres – pas seulement des livres d’artistes, mais aussi des livres des avant-gardes ou de gastronomie par exemple – dans notre espace il y a quelques années de ça, mais nous avions décidé d’arrêter pour un certain temps tant cela pouvait être stressant et compliqué par moments.

Durant notre collaboration avec 17.2 Art Gallery, la galerie que ma mère dirige, nous expérimentions les expositions de livres d’artistes dans une vitrine, au centre de la ville, ce qui était non seulement excitant, mais nous permettait également de nous amuser et de réfléchir à de nouvelles façons de montrer cette matière.

Nous considérons que les expositions sont une part importante de notre travail, non seulement parce que ces événements sont importants, mais aussi parce que nous aimons passer du temps à les préparer et à les présenter.

Au moment où l’on parle, nous collaborons avec Edoardo Monti, fondateur et directeur du Palazzo Monti à Brescia (It), autour d’une exposition qui a commencé le 2 octobre dernier, laquelle est dédiée à une petite sélection de cartons d’invitation d’artistes provenant de notre collection privée ; l’aspect le plus délicat de ce projet reste le dispositif de monstration qui doit considérer, comme tu le disais, la nature des objets que nous montrons. Nous devons garder à l’esprit que ces objets ont été pensé et réalisé avec certaines intentions, et nous tenons à ne pas les déformer.

Vue de l'exposition sans titre, L'Arengario, 2021
Vue de l’exposition sans titre, L’Arengario, 2021

C’est en effet une question sensible, garder à l’esprit la nature de ces objets… après tout, ce sont des livres. Comment gérez-vous le fait que leur première intention était d’être lus et manipulés ?

Si l’on regarde dans l’histoire du commissariat d’exposition, Germano Celant, en 1972, pour l’exposition « Book as Artwork 1960-1972 », a décidé de présenter les livres dans des caisses transparentes, des vitrines, un modèle qui depuis, n’a pas tellement changé.

Il y a de nombreux facteurs qui nous ont amenés à ce choix, l’un d’entre eux reste la possibilité de vol, mais aussi le fait qu’en les manipulant, il est facile d’abîmer les livres exposés.

Nous en sommes donc arrivés à l’idée que la meilleure chose à faire (même si cela est parfois très compliqué) est d’avoir plusieurs exemplaires de chaque livres, ce qui permet de montrer différentes pages et donc, donner une meilleure idée du travail. Les livres ont été faits pour être lus, mais les livres d’artistes ont été faits pour être vus.

Est-ce que L’Arengario Studio Bibliografico accueille des chercheur-euse-s, des doctorant-e-s, des commissaires d’exposition, des artistes, des critiques, etc. ?

Cela peut arriver, mais généralement, se sont principalement des ami-e-s, des collaborateurs, des critiques et des commissaires qui viennent.

Poster réalisé par Peter Downsbrough, Tonini Editore, 2021
Poster réalisé par Peter Downsbrough, Tonini Editore, 2021

En 2021, vous avez décidé d’opérer un tournant, L’Arengario Studio Bibliografico reste, mais vous développez également une nouvelle aventure éditoriale Tonini Editore. Comment en êtes-vous venus à développer cette activité ? Et même s’il est peut-être un peu tôt avant de parler de ça, quel serait votre ligne éditoriale (s’il y en a une) ?

Oui, je vais désormais suivre une voie parallèle à nos activités avec Tonini Editore, une maison d’édition qui va se concentrer sur l’art contemporain – dans l’intention de produire des livres d’artistes, des posters, des éditions, des bibliographies et autres documents.

Cette idée m’est venue lors d’un déjeuner avec mes parents, comme nous en faisons tout le temps. Le projet principal sera « Autobiography », une idée de mon père inspirée par la fameuse édition du même nom réalisée par Sol Lewitt, laquelle consiste en une publication mensuelle de livres d’artistes chacun réalisés par des artistes différents sélectionnés par un comité scientifique composé de six invité-e-s et de moi. Autobiography gardera les mêmes dimensions, 17×12 cm, ainsi que le même travail graphique sur la couverture ; cela sera ensuite imprimé à 500 exemplaires et la première publication, sortira en novembre. Avant cela, nous avons publié un poster réalisé par Peter Downsbrough, en collaboration avec la Loom Gallery à Milan, ainsi qu’une série de trois cartes postales réalisées par l’artiste français Bertrand Loubé.

Plus d’informations : 

http://www.arengario.it/

https://toninieditore.com/

https://www.instagram.com/toninieditore

https://www.instagram.com/arengariostudiobibliografico